Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
courtsrécits
14 avril 2006

L'ensorceleur

J’étais assis là, depuis quelques instants observant le passage des badauds qui prenaient plaisir à traverser cet immense parc. En fixant des yeux les différents visages, je cherchais à découvrir ce qui pouvait bien se trouver au-delà des regards croisés. Pourquoi faisais-je cela ? Sans doute le besoin de faire une pause au milieu d’une journée consacrée à la recherche d’emplois et autres tracasseries administratives.
Finalement, au bout d'un moment, un homme vint à s‘asseoir près de moi. Il devait  bien avoir une soixantaine d’années et portait un curieux chapeau effilé qui semblait provenir tout droit d’un autre âge. Son visage anguleux, ses yeux sombres et profonds ne faisaient qu’accentuer cette impression. Je le contemplais d’un air étonné ne sachant pas vraiment quelle attitude avoir à son égard. Il me regarda aussi puis fouillant dans la poche de son pardessus de velours marron, il en extirpa une petite boite d’environ dix centimètres de coté et me fit comprendre  d’un petit coup de menton de bien observer la suite.
J’écarquillais les yeux, quelque peu étonné et de plus en plus surpris par la tournure que prenait les évènements. D’un geste rapide et précis  il ouvrit l’écrin ; quelque chose semblait se déplier à partir du centre. Je me rapprochais un peu afin de mieux voir. Il s agissait en fait d’une curieuse petite boite musicale animée, mais  à la place de la danseuse il y avait un bouddha en position de méditation. Il tournait doucement autour de lui-même, posé sur une sorte de plateau parsemé de symboles chinois dont je reconnus celui du Tao, le célèbre yin-yang.
En guise de musique on entendait le son OM répété comme un mantra envoûtant. J’avais déjà lu quelque part que cette syllabe était sacrée chez les hindous mais c’était la première foi que je l’entendais de cette façon. L’homme tenait la boite le bras tendu vers mon visage. Le vent se mit à souffler plus fort, voilant quelque peu ma vision et donnant à la scène encore plus d’étrangeté. De nouveau il me dévisagea  fixement puis sans dire mot, referma délicatement le petit coffret et déposa  celui-ci à mes cotés. En se relevant il porta l index à ses lèvres m’indiquant ainsi de ne rien dire puis disparu à longues enjambées  pendant que le vent redoublait de force. Un frissonnement me parcouru le corps. J’attendis qu’il ne fut plus perceptible pour plaquer ma main sur la boite et en  sentir la consistance ce qui ma foi me rassurait  quelque peu. Je m’en saisi prestement et la glissais dans la poche de ma besace puis décidais d aller manger un morceau dans une échoppe des environs.

Je patientais afin de me retrouver seul dans la salle du café ou je me restaurais avant de sortir le mystérieux écrin pour l’observer. Mes doigts se posèrent dessus prêt à l’ouvrir puis finalement se ravisèrent préférant en savourer la texture. Mon cœur battait rapidement et mon front devenait  moite. De légers tremblements rehaussaient mon anxiété.
Après avoir réglé l’addition, je décidais que l’instant était propice. Je saisis d’une main le socle de la boite me servant de l’autre pour soulever délicatement le couvercle. Il résista quelque peu puis finalement céda. J’ouvris grand les yeux mais ne vis  rien d’autre que la couleur rouge du velours qui en tapissait le fond.
Un sentiment de terreur m’envahis.
Vide !
La boite était vide !
La respiration me manquait, mon souffle était coupé et j’eus du mal à me lever.
Je partis  précipitamment en vacillant, faisant même tomber une chaise en sortant.  Me jetant dans la foule comme un forcené je n’entendais plus que les longues mélopées du mantra  qui me poursuivaient de leurs diaboliques résonances. Om Om Om.

Publicité
Commentaires
Publicité